Un constat

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est b3f906e546d1eb1fc8fe16f812e69347-197x300.jpg.Notre monde est-il devenu si déprimant et exigeant qu’on ne puisse plus y trouver de raison de vivre ?

On pourrait croire qu’il serait normal d’être heureux en Occident, où nous avons accès à tellement de choses qui peuvent contribuer à notre bonheur…Pourtant nous ne sommes généralement pas heureux.
En fait nous sommes plus souvent malheureux.

Sans philosopher sur la notion de bonheur, nous en resterons à l’idée d’une satisfaction totale et durable de notre être et si le bonheur est un état relevant d’une représentation consciente, nous savons cependant qu’il n’existe pas de réalité absolue, mais seulement des représentations (subjectives et parfois contradictoires) de la réalité.

Néanmoins, nous ne pouvons pas faire l’impasse sur la dimension systémique de l’existence et comme tous les systèmes ont des caractéristiques propres qui ne dépendent pas des individus qui les composent, notre bonheur sera forcement conditionné par le système dans lequel nous évoluons. De même, si nos représentations guident nos actions et que modifier nos représentations de la réalité modifie nos actions, toutes nos actions restent limités par le cadre de référence dans lequel elles s’inscrivent.  La liberté ne peut se concevoir que dans le cadre de lois, qu’elles soient naturelles ou sociales. 

Ainsi chaque matin, nous sommes nombreux à sentir que notre société malade pèse sur nos vies comme un fardeau et il ne semble pas être anormal d’être malheureux, inquiet, pessimiste quand on se rend compte que nous vivons dans un monde dysfonctionnel.

Personne ne peut nier  la réalité actuelle qui est que le monde humain est devenu, depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, le siège d’une série impressionnante de délires exponentiels qui, nécessairement et mécaniquement, ne peuvent déboucher que sur la chaotisation générale que nous rencontrons aujourd’hui et dont le dérèglement climatique, les vagues migratoires, la monté des extrêmes, la crise des subprimes ou le covid-19 n’en sont que quelques manifestations particulières.

Ne perdons pas de vue que la modernité était “humaniste” et a débouché, au 20ème siècle sur des nihilismes parfaitement inhumains. Lorsque l’homme est seul service de l’humain, il tourne en rond et devient fou.

Si le mal de vivre n’est pas un trouble émotif nouveau, il semble toucher de plus en plus de personnes et aujourd’hui, il n’y a plus de frontière entre le mal de vivre, qui annule tout désir d’existence, et le mal à vivre qui traduit la difficulté d’être au monde à laquelle chacun est inéluctablement confronté. 

Comprendre entre autre l’interdépendance entre les mécanismes de la société et les fonctionnements humains, c’est comprendre le pourquoi d’une majorité de nos souffrances psychiques qui semblent se développer de plus en plus de nos jours et qui de plus nous mènent vers une standardisation sociale.
Oui, il existe dans nos sociétés des déficiences énormes qui constituent une atteinte concrète aux conditions de l’autoréalisation individuelle, donc à notre bonheur.
Cette déficience est la principale cause de douleurs existentielles source et de cristallisations nocives. 

Le psychiatre et psychothérapeute français Christophe André semble faire le même constat lorsqu’il nous dit que notre société est, « psychotoxique » et qu’il parle en même temps de « la maladie du matérialisme ».

Edgar MORIN lui, parle “d’intoxication cognitive généralisée” pour décrire le monde actuel, hanté par le souci de l’efficacité, du rendement, de la production utile, l’obsession du quantitatif…

Le matérialisme étant devenu la valeur suprême, cette valeur qui nous fragilise car nous sommes devenus malgré nous ses esclaves. Le matérialisme et ses effets pervers ne contribue absolument pas à notre bonheur, il ne s’inscrit pas dans la logique d’un bien-être pérenne, individuel comme collectif.

La société actuelle nous fait croire que notre malheur est le symptôme d’une inadaptation et paradoxalement nous demande de répondre aux critères qu’elle nous impose au détriment de notre épanouissement et réalisation personnelle.

Nous le voyons, l’homme se retrouve confronté à son propre échec de domination, de contrôle, de puissance, de progrès et consumérisme, de néo-libéralisme alors que paradoxalement, on nous a vendu le progrès comme une source de bonheur, comme une solution miracle à tous nos problèmes !

La consommation est devenue un moyen pour réguler nos états d’âme,  la pensée positive et l’ “Happycratie” sont le cheval de Troie du consumérisme et l’activité, la compétition, la possession ne sont qu’un moyen pour se sentir exister aux yeux des autres au même titre que ces “followers” et “likes” des réseaux sociaux qui ne font qu’intoxiquer notre esprit et renforcer notre auto-narcissisme. 

Dans notre quotidien, les progrès techniques ne font qu’accentuer les rythmes effrénés de production, creusant par la même occasion les inégalités et ils nous montrent aujourd’hui ses limites dans sa capacité à nous apporter réellement du bien-être.

Dans la logique actuelle, il semble évident que le futur paraît obscurci, du moins opaque car il nous oriente vers une unidimensionnalité de la vie, vers une virtualisation des rapports humains mais aussi vers l’aliénation des individualités.  
Dans ce monde où la seule manière de devenir soi est de consommer et où pèse sur chacun de nous des exigences de performance, de perfection et de conformisme, il devient de plus en plus difficile de trouver sa place et de se réaliser.

Si chacun porte en lui un rêve pour l’humanité, l’humain fait aujourd’hui face à un fatalisme, enlisé dans cette spirale infernale, il n’arrive désormais plus à discerner de sens à l’existence, de but dans la vie.  Il croit se réaliser à travers ses désirs, ses plaisirs, ses possessions qui sont futiles, illusoires, éphémères et qui ne combleront jamais ce vide intérieur qui le fait tant souffrir et qui le plonge dans ses “passions tristes*“.
Accablé, anesthésié, lobotomisé il vit coupé de lui-même, mort à l’intérieur.

* L’expression “passion triste” est de Spinoza. Par là il désigne les affects qui sont liés à une imperfection de mon être, à une diminution de puissance ou de liberté, comme la haine, la peur, l’anxiété, l’acédie, la mélancolie, la crainte, le désespoir, l’envie autres dégradations physiques ou mentales.

  • Alors qu’on nous annonce des catastrophes de plus en plus proches, comment peut-on continuer à vivre malgré un avenir aussi incertain ?
  • Comment trouver du sens à sa vie quand tout part en vrille ?
  • Et si l’humanité traversait son coté obscur pour mieux renaître dans la lumière  comme le phénix renaissait de ses cendres ?

Voilà bien des questions sans réponse. 

L’homme doit maintenant sortir des schémas et fonctionnements compulsifs  que nourrissent les paradigmes de notre société individualiste.

Non, le mal de vivre d’aujourd’hui ne prend pas racine dans votre psychisme vulnérable mais bien dans notre société malade, dans notre économie folle et ses mécanismes absurdes, dans le dogme de la croissance infinie, dans la  course aux profits et aux gaspillages, dans la politique dysfonctionnelle, dans la dérégulation des écosystèmes, dans notre pulsion dominatrice sur la nature, dans les inégalités sociales, dans l’éclatement des valeurs familiales et finalement dans cette humanité déshumanisée dont nous faisons tous parti. 

Le mal de vivre n’est pas une fatalité et peut être utilisée comme occasion pour approfondir la recherche intérieure, la connaissance de soi et se libérer de nos conditionnements, de nos blocages, de nos croyances limitantes pour retrouver ce que nous sommes réellement et ce qui compte réellement pour nous et nous relier de nouveau au sacré de la vie.

« L’homme moderne, noyé dans de fausses idéologies collectives, désorienté par un manque de valeurs auxquelles se raccrocher, a oublié qu’il avait une âme. Il recherche désespérément en dehors de lui quelque chose qui puisse l’animer, le rendre vivant. C’est pourtant en lui qu’il pourrait retrouver le contact avec les forces inconscientes qui l’animent, en se confrontant avec elles. » Carl Gustav Jung

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