Texte de Rupert Spira
Une façon de définir l’advaita est de dire, que c’est la compréhension, basée sur l’expérience, qu’il n’existe aucun objet ou identité séparée.
Si nous pensons et ressentons que nous sommes une entité séparée, et parallèlement qu’il n’existe aucune entité séparée dans l’expérience, nous nous contredisons.
La pensée la plus profonde des deux est la pensée que nous sommes une entité séparée (car un sentiment très fort est attaché à cette pensée) et pour cette raison, je suggère que la pensée suivante (qu’il n’existe aucune entité) est simplement une croyance, que ce n’est pas réellement le fruit de notre expérience. On ne peut pas se tenir en tant que Conscience illimitée et en même temps, en tant qu’entité séparée limitée. Prendre cette position n’est pas honnête, d’où le terme de “pseudo advaita”
Dire que “j’accepte ma souffrance comme une expression de la Grâce” est une forme de cette contradiction. Le “je” qui souffre et le “je” qui accepte est fait de la croyance que certaines choses sont la Grâce et d’autres pas.
C’est la négation même de la compréhension que tout est Grâce, c’est la négation de la compréhension de la non dualité, que tout est au même titre, une expression de la Conscience. Bien sûr, au final ce refus lui-même est fait de rien d’autre que de Conscience, c’est pourquoi j’ai souvent dit qu’il n’y a pas de réelle ignorance.
Toutefois, une fois que la Conscience a pris la forme du mental qui dit: “Je suis Conscience, et suis cette petite entité et donc ne suis rien d’autre” sa réalité en tant que substance de toutes choses semble être voilée. Ce voile est connu comme l’expérience de la souffrance.
La position de souffrance et la position dans laquelle nous comprenons que la Conscience est la substance de toutes choses, s’excluent donc mutuellement. Dans ce cas la non dualité est simplement une croyance surajoutée à nos sentiments dualistes.
Une telle position est celle où nous pensons que tout est expression de la Conscience, alors que nous ressentons en fait que cela ne l’est pas. Et pour contenir cette contradiction, nous ajoutons une autre pensée, qui dit : j’accepte complètement ma souffrance, comme l’expression de la Conscience, c’est-à-dire j’accepte mon refus de la situation courante. La souffrance étant synonyme de recherche, si nous acceptons la situation courante (notre souffrance) pourquoi la rejetons nous d’autre part et recherchons une meilleure situation ?
Accepter la souffrance est, par définition, ne pas avoir de motivation pour la changer, mais la souffrance est par définition, le désir de changer la situation courante. Laquelle des deux est vraie ? Accepter la situation courante ou le désir de changer ? Les deux ne peuvent être vrais.
Cette contradiction est au coeur du “pseudo advaita”. Peut-être que l’expression pseudo advaita est connotée négativement, ce qui n’est pas l’intention ici. Parler d’advaita “intellectuel” serait peut-être plus adéquat. Ce que cela veut désigner, c’est une situation, où nous nous sommes appropriés la croyance en l’advaita et l’avons adoptée comme une stratégie supplémentaire, pour éviter la confrontation honnête avec notre souffrance. C’est un faux-semblant. Cette croyance dégrade l’advaita d’une compréhension basée sur l’expérience à une religion. Bien sûr, si nous sommes contents avec cette compréhension superficielle de la vie, c’est très bien, il n’y a là aucun jugement.
Q: Sur le “chemin” vers l’éveil, on nous apprend que l’acceptation de tout ce qui se présente est une clé pour vivre une plus grande paix…
R: Vous devez demander à ceux qui parlent ainsi, d’expliquer leur enseignement, car ce n’est certainement pas ce qui est suggéré ici.
Si nous souffrons, par définition nous tentons d’essayer de changer la situation actuelle. Si “accepter” est notre nouvelle stratégie pour éviter la souffrance, c’est simplement un peu plus sain que d’aller dans le frigidaire ou tout autre… Cela n’a en réalité rien à voir avec l’acceptation. Accepter quelque chose dans le but de s’en débarrasser n’est pas l’acceptation. C’est un refus déguisé en acceptation.
—-
Si quelqu’un souffre, je suggère qu’il ou elle ait le courage et l’honnêteté de faire face à leur souffrance sans tenter d’y échapper. Simplement la regarder et voir les faits de la situation : d’abord notre souffrance psychologique implique le refus de notre situation actuelle et ensuite, il y a une supposée entité séparée au centre de ce refus. C’est le premier pas du “processus mental”.
Le deuxième, c’est s’interroger sur la nature de cette entité apparente. Après tout, si notre souffrance tourne autour d’elle, toute compréhension de notre souffrance doit impliquer une compréhension de cette entité apparente. Regardez s’il vous plaît, que la suggestion ici est de comprendre la souffrance et non de s’en débarrasser.
En recherchant cette entité apparente, à notre surprise nous ne la trouvons pas. Nous trouvons simplement une croyance et quelques sensations corporelles apparaissant dans et finalement faites de notre Présence-connaissance ou Conscience. A ce point le “processus mental” touche à sa fin et nous prenons simplement la position consciente de ce que nous sommes déjà toujours.
Si la croyance ou la sensation de séparation revient, nous reprenons notre démarche et exploration jusqu’à ce que nous nous retrouvons de nouveau établi consciemment en tant que Conscience. Avec le temps, il y a de moins en moins d’investigation et de plus en plus de présence.